Textes et illustrations d'Yvan Teffo.
Au milieu des ronces, dans l’enchevêtrement des racines, on rencontre des pans de murs écroulés, des vestiges d’ouvertures, des tas de pierres, où la ronce et l’ortie se marient, c’est tout ce qui reste de la ferme de la Croix Merhan. Pourquoi cet abandon ? Pourquoi comme ses sœurs des environs, cette ferme n’a-t-elle pas connu la prospérité. Qui l’a condamnée à disparaître ? On raconte et je l’ai entendu dire bien souvent, que se sont les vipères, qui en ont rendu l’exploitation impossible. Cette explication est loin d’être satisfaisante, car enfin si elle a été la cause de la disparition de la ferme de la Croix Merhan, il semble que les fermes des environs auraient dû avoir le même sort, or il n’en a rien été. Un fait est certain c’est que les vipères étaient et sont encore nombreuses, dans ce coin de Nozay, et il paraît qu’autrefois elles se rencontraient, à même les écuries de la ferme, tuant les animaux et pénétrant jusqu’à l’habitation des fermiers. Tout ceci est possible, mais ce serait incomplet, si la légende ne s’était emparée de ces faits authentiques, pour broder une délicieuse histoire, comme on savait en raconter au bon vieux temps.
La ferme de la Croix Merhan était infestée de vipères, de couleuvres, aspics, etc… Les fermiers avaient tout fait pour s’en défaire, mais aucun moyens ne réussissait, et la vie devenait intenable tant le danger était grand et de tous les instants. En désespoir de cause, le fermier décida de faire appel à un sorcier. Il y en avait un justement, un fameux, le Meunier de Toulan (Toulon comme l’on disait couramment à Nozay) le fermier le fit donc appeler et ayant entendu de sa bouche ce que l’on espérait de lui, le sorcier déclara : je puis en effet détruire tous les serpents qui se trouvent sur les terres environnantes, mais pour cela il faudra que tu me nommes, lorsque j’opérerais, tous les morceaux de terre qui constituent ta ferme. Sur mon ordre, alors les serpents viendront tous ici les uns après les autres se faire tuer. Mais gardes toi d’oublier un seul de tes champs, car si tu le faisais, le Roi des serpents viendrait aussitôt et me dévorerait. Le fermier promit de ne rien oublier et l’opération commença. Le fermier annonçait le nom des champs, et sur l’ordre du sorcier, tous les serpents venaient se faire griller dans un grand feu que l’on avait allumé dans l’aire. Quand le fermier s’arrêta dans l’énumération des champs, un nombre considérable de serpents avait péri dans les flammes. Mais voilà qu’alors du bois tout proche s’éleva un grand bruit. Un sifflement terrible déchira l’air, alors le sorcier sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Malheureux, cria-t-il, tu as oublié un champ, et voilà le Roi des serpents qui vient pour me tuer. Alors il prit sa course à travers champs essayant d’échapper au Roi des serpents, qui dans un bruit formidable se lançait à sa poursuite. Le malheureux sorcier allait atteindre son moulin, quand, dans un bond fantastique, le Roi des serpents le rejoignit et le dévora.
Sources : Rocher ?
Le fief de la Croix Merhan, membre de la châtellenie de la Touche Cornulier, est fameux par le grand nombre de serpents qu’on y rencontre. Et voici l’anecdote à laquelle ils vont donner lieu. Le fermier de la Croix Merhan étant un jour à chauffer son four, vit venir à lui un vieux mendiant inconnu, qui lui demanda si les reptiles l’incommodait toujours. Sur sa réponse affirmative, il lui dit qu’il connaissait un moyen de l’en débarrasser, mais que pour cela il fallait nommer les fiefs de la châtellenie sans en omettre un seul. "Il y a trente ans que je connais la Touche, dit le métayer et il m’est facile de faire cette nomenclature. Prenez bien garde reprit le mendiant, car ma vie en dépend. Soyez tranquille ajouta le fermier et il commença à énumérer les fiefs les uns après les autres. A chaque nom qu’il appelait, un certain nombre de reptiles, venaient se précipiter dans le four embrasé. N’y en a-t-il plus ? dit le mendiant. Non c’est tout - Bien sûr ? – Oui – Alors vous ne verrez plus jamais de reptiles sur vos terres Attendez j’en ai oublié un ; le fief de … C’est trop tard ! s’écria le mendiant, sur lequel fondait un serpent ailé avec de terribles sifflements. Il fuit, cherche un refuge dans le moulin de Toulan qui était proche, mais au moment d’y entrer, le serpent l’atteint par le talon et le dévore. La preuve que cette histoire est véritable, ajoute le narrateur c’est qu’on peut voir encore sur la porte du moulin de Toulan, les armes des Cornulier avec deux guivres pour support en mémoire de ce fait. Ce moulin de Toulan est un édifice du XVIème siècle, bâti avec beaucoup plus d’élégance que ne le sont les moulins à vent ordinaire. Il est tout en granit taillé, orné de moulures du genre Renaissance. Au-dessus de la porte est une pierre d’ardoise d’un grain très fin, où sont sculptées les armes des Cornulier soutenues par deux bisses. On ne sait pas pourquoi le meunier actuel s’est avisé vers 1847, de marteler ce travail, qui était très soigné
Complément à la généalogie de la maison de Cornulier Imprimé en 1863
Couverture et extrait du livre:
"Coutumes, Croyances, Langages du pays de Châteaubriant".